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Annulation de vol : une agence condamnée à rembourser plus que le forfait

Les ateliers juridiques d’Emmanuelle Llop


En annulant un vol dix jours avant le départ sans alternative, une agence de voyage en ligne a été condamnée à indemniser ses clients au-delà de leur demande initiale. La Cour d'appel a retenu une double indemnisation : une indemnité à hauteur de 100% du prix payé et une indemnité pour préjudice moral. Voici l'éclairage d'Emmanuelle Llop, fondatrice du cabinet spécialisé EQUINOXE AVOCATS sur cette affaire.


Rédigé par le Lundi 26 Mai 2025

Le contexte et la décision

Annulation de vol : une agence condamnée à rembourser plus que le forfait - Depositphotos.com Auteur vladek
Annulation de vol : une agence condamnée à rembourser plus que le forfait - Depositphotos.com Auteur vladek
Une agence de voyage en ligne a vendu un forfait pour 4 personnes en Egypte, au prix de 5.026 € pour 2 semaines en août 2021.

Dix jours avant le départ, l’agence annule purement et simplement le vol aller sans autre proposition et les clients ont dû annuler leur réservation. Ils ont alors réclamé, outre le remboursement de la différence de prix non-remboursée par l’agence, une indemnité forfaitaire de 2.400 €.

Alors qu’ils ont été déboutés par le Tribunal Judiciaire de Paris qui leur reprochait de ne pas communiquer les CPV ni de prouver qu’ils n’avaient pas reçu une autre offre de vol ou encore que l’agence ne se serait pas engagée à les rembourser.

La Cour d’Appel de Paris infirme le jugement et retient que l’annulation du vol aller dix jours avant le départ concerne un élément essentiel du contrat, que cette annulation est extérieure à l’agence mais aussi au client qui n’a eu d’autre choix que d’annuler sa réservation.

Mais la Cour ajoute que l’agence doit également verser une indemnisation complémentaire et ce faisant, assimile l’annulation par l’agence à une annulation sans motif (article L.211-14-III du Code du Tourisme) qui est susceptible d’entrainer l’indemnisation complémentaire dite « pénalité-miroir » sauf si l’annulation est causée par des CEI (circonstances exceptionnelles et inévitables) ou un manque de participants.

La Cour mélange également les circonstances de l’annulation intervenue avec l’annulation pour défaut du nombre de participants, qui impose de prévenir les voyageurs dans un délai bien précis avant le départ, selon la durée du voyage (pour un voyage de plus de 6 jours, le délai d’information est de 20 jours avant le départ).

A lire aussi : Accident en 4x4 dans le désert : quand la faute du client limite la responsabilité de l’agence

Par conséquent, les juges d’appel décident que l’agence n’est pas concernée par un cas d’exonération d’indemnisation supplémentaire, car elle a prévenu les clients de l’annulation moins de 20 jours pour un voyage de 14 jours, sans proposer un vol de remplacement.

Et la Cour de condamner l’agence à indemniser les clients privés de vacances à hauteur de 100% du prix payé, soit 5.026 € (quand ils demandaient ... 2.400 € au départ ! ), tout en invoquant le dommage prévisible pour l’agence qui, en annulant le vol, ne pouvait ignorer qu’elle privait le client de ses vacances.

Mais ce n’est pas tout : la Cour ajoute l’indemnisation d’un préjudice moral, en complément des dommages-intérêts déjà octroyés, car le Code du Tourisme (article R.211-10) prévoit que la pénalité -miroir est un plancher. Curieusement, en invoquant en même temps la responsabilité délictuelle de l’agence qui a commis une faute en prévenant tardivement le client de l’annulation du vol sans proposer de substitution, selon le Code Civil et de la réparation de tout préjudice causé, l’agence est condamnée à 300 € de dommages-intérêts par voyageur (x 4).

Le motif invoqué est la lourde déception des voyageurs causée par l’annulation du voyage, réservé deux mois à l’avance au sortir du confinement et prévu en pleine haute saison, alors qu’à la date de l’annulation, il leur était impossible de régler un nouveau séjour aux mêmes conditions tarifaires ans avoir même obtenu le remboursement du forfait annulé.

La Cour n’a pas compris le droit du tourisme et mélange plusieurs dispositions

En effet, la modification d’un élément essentiel avant départ pour cause d’un événement extérieur qui s’impose à l’agence est régie par un seul texte du Code (article L.211-13). Dans un tel cas, il faut que l’agence propose au client le choix entre accepter la modification ou la refuser, avec remboursement sans frais sous 14 jours.

Il me semble cependant que l’absence de proposition de remplacement de la part de l’agence ait influencé la volonté de sanction de la Cour, qui éprouve le besoin de se référer aux dispositions du droit commun alors que le Code du Tourisme règle toutes les situations d’annulation.

L’annulation sans motif est la seule qui engendre une pénalité-miroir plancher correspondant aux frais que le client aurait dû lui-même payer s’il avait annulé, selon le barème contractuel. Cette pénalité peut être supérieure si le client démontre un préjudice distinct et supplémentaire.

En pratique, l’agence aurait dû avertir le client de l’annulation du vol aller mais surtout, lui proposer une autre solution sérieuse et raisonnable, même plus onéreuse, que le client aurait eu le loisir de refuser. Il aurait alors reçu son remboursement, éventuellement réclamé et obtenu une indemnisation pour son préjudice moral mais sans que cette indemnisation soit calculée à l’aune de la pénalité -miroir minimale.

Je pense que la double indemnisation des clients trouve sa source dans la volonté de la Cour de la sanctionner pour le traitement de l’annulation, sachant que l’agence n’est pas venue se défendre ni devant le tribunal ni devant la Cour...

La Cour indemnise doublement les clients

Lorsque je lis que d’une part le client reçoit la pénalité-miroir parce qu’il a été empêché de profiter de son forfait et privé de ses vacances, et que d’autre part il a souffert moralement parce qu’il est lourdement déçu de voir son vol annulé 10 jours avant le départ (la Cour évoque même ici la « faute » de l’agence de l’avoir prévenu trop tard), je ne peux m’empêcher de penser que la Cour indemnise deux fois le même préjudice moral de déception, dont je ne suis pas certaine qu’il « vaille » un total de dommages-intérêts de 6.226 € pour un achat de 5.026 €...

Ce qu’il faut en retirer :

Je ne saurais que trop recommander aux agences (mais également aux TO éventuellement) de veiller à bien appliquer la disposition adéquate du Code du Tourisme face à une situation d’annulation donnée : il s’agit soit d’une annulation pure et simple, soit d’une modification avant départ (élément essentiel ou mineur) susceptible d’entrainer une annulation, soit d’une insuffisance de participants ou enfin, de CEI.

Surtout, il faut bien différencier la situation d’annulation d’un forfait et la modification proposée au client avant le départ. Ensuite, la communication de ses droits au client est primordiale, avec l’exposé de la situation, les textes de référence et les propositions de l’agence, qui souvent permettent d’adoucir la déception du client.

Retrouvez tous les ateliers juridiques de Me Llop en cliquant sur ce lien.

Emmanuelle LLOP

Emmanuelle Llop - Equinoxe Avocats
Emmanuelle Llop - Equinoxe Avocats
Avocat au Barreau de Paris, fondatrice du cabinet spécialisé EQUINOXE AVOCATS et spécialisée depuis 25 ans dans les questions relatives aux droit du tourisme et aérien, intervient en conseil comme en contentieux au profit de tous les professionnels du secteur : agences, tour-opérateurs, réseaux, compagnies aériennes institutionnels, start-ups etc.

www.equinoxe-avocats.fr

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Tags : atelierllop, llop
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Commentaires

1.Posté par Martino180 le 26/05/2025 08:17 | Alerter
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les compagnies aériennes - notamment les low cost - n'ont pas ces problèmes et ne sont pas obligés d'avoir ces pudeurs de gazelles.

Annulation le jour du départ s'appuyant sur des prétextes divers et remboursement du montant payé : par exemple vous avez payé 25 euros 1 an avant le départ votre vol Paris Rome, annulation et remboursement de 25 euros et vous vous débrouillez pour trouver 24heures avant un billet au tarif de 300 euros sur une autre compagnie pour le même paris rome.

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